Il y a 80 ans le chêne Boppe était foudroyé
Le 18 décembre 1934 à 15 h précise, un coup de tonnerre formidable déchirait l’air au-dessus de la forêt de Bercé. 3 éclairs descendaient du ciel et frappèrent le chêne Boppe, de manière fatale. Un coup de grâce venu du ciel pour un chêne à l’agonie.
Vers 1 669 - L’ancienne futaie est régénérée selon les préceptes de Colbert. Les parents de l’actuelle futaie des Clos sont coupés et laissent la place à de jeunes semis. Jusqu’au XIXè siècle, d’éclaircies en éclaircies, la futaie des Clos suit l’histoire de la forêt de Bercé. Sa régénération est prévue vers 1 890.
1 843 - Les forestiers parlent, à l’occasion d’une révision d’aménagement, d’une futaie magnifique en forêt de Bercé. Une parcelle de 8 hectares renfermant 119 arbres, par hectare, dont 39 chênes d’une rare beauté.
1 876 - À l’heure de la régénération, les aménagistes décidèrent que le chêne Boppe (nom d’un des premiers directeurs de l’Ecole Forestière de Nancy) et tous ces frères seraient dans l’affectation de 1912. Mais les arbres sont si beaux, la futaie tellement dense que les forestiers commencent à hésiter et plus particulièrement le garde général des Eaux et Forêts : M. Roulleau. Des mesures de protections sont prises très tôt pour classer cette parcelle hors aménagement. Malheureusement, M. Daubrée, directeur et conservateur des Eaux et Forêts, n’était pas de l’avis
de ses subordonnés et trouvait plus réglementaire de faire couper ces chênes tricentenaires. M. Daubrée habitait Alençon, à plus de 90 kilomètres du chêne Boppe qu’il n’avait d’ailleurs jamais vu. De cette décision, une véritable guerre administrative était lancée impliquant entre-autre : le conseil général de la Sarthe, le préfet, la société historique et archéologique du Maine, la société d’agriculture, sciences et arts de la Sarthe.
25 août 1904 - Une décision, en faveur du chêne Boppe et de ces congénères est prise par le Conseil d’Etat. Une décision suffisante mais une victoire que les parlementaires locaux grillaient d’envie de s’attribuer. Alors ils portèrent le cas à la tribune de la chambre des députés le 18 novembre 1907. Le ministre de l’agriculture, lui-même, se porta garant pour conserver ces fameux arbres de la forêt de Bercé.
Que s’est-il passé le 18 décembre 1934 ? La nature a des limites, le chêne Boppe en est un exemple fort. Car parallèlement à tous ces tracas administratifs, notre valeureux chêne se meurt. Pourtant on disait que « ni l’âge, ni le froid ne peuvent avoir raison de ces arbres ». Agonisant, on décida qu’une fois par an, les ouvriers forestiers bineraient le tour du chêne Boppe pour l’aérer.
On ne voulait surtout pas qu’il meurt, il représentait tant à lui seul. On lui administra aussi, par arrosage, des engrais à grande dose. L’effet est aujourd’hui connu, lorsqu’un chêne meurt, il émet une essence naturelle très volatile appelée « terpène » attirant par là même les insectes. Est-ce par hasard si le 18 décembre 1934 un feu céleste composé de 18 éclairs mortelles frappèrent la forêt de Bercé ? Trois éclairs foudroyaient le chêne Boppe. « Les débris de bois provenant de cette formidable blessure ont été projetés à plus de 50 mètres. Tellement défibré qu’on aurait cru de la neige » déclarait M. Potel, inspecteur principal des Eaux et Forêts au Mans (de 1920 à 1928). Il y eu une cérémonie magnifique pour l’abattage du chêne Boppe et le baptême de son successeur. Le syndicat des marchands de bois se porta acquéreur du chêne Boppe en 1935. Une rondelle est exposée au muséum d’histoire naturel de Paris.